Pont brownien

Simulations de deux ponts browniens standard indépendants (en rouge et en vert)

En mathématique, plus précisément théorie des probabilités, un pont brownien standard est un processus stochastique à temps continu de même loi qu'un processus de Wiener mais conditionné à s'annuler en 0 et en 1. À ne pas confondre avec l'excursion brownienne.

Le pont brownien standard est ainsi également appelé « mouvement brownien attaché » ("tied down Brownian motion" en anglais), « mouvement brownien attaché en 0 et 1 » ("Brownian motion tied down at 0 and 1" en anglais) ou « mouvement brownien épinglé » ("pinned Brownian motion" en anglais).

Le pont brownien (non standard) est une généralisation du pont brownien standard en utilisant le conditionnement par l’événement [ B t 1 = a , B t 2 = b ] {\displaystyle [B_{t_{1}}=a,B_{t_{2}}=b]} .

Définition

Un pont brownien standard est un processus stochastique ( B t , t 0 ) {\displaystyle (B_{t},t\geq 0)} à temps continu dont la loi est celle d'un processus de Wiener (modèle mathématique du mouvement brownien) sachant l’événement B 0 = B 1 = 0 {\displaystyle B_{0}=B_{1}=0} . Il s'agit d'un processus aléatoire gaussien, c'est-à-dire que la loi de probabilité de tout vecteur ( B t 1 , . . . , B t n ) {\displaystyle (B_{t_{1}},...,B_{t_{n}})} , conditionnellement à B 1 = 0 {\displaystyle B_{1}=0} , est gaussienne. Il est alors caractérisé par sa moyenne et sa covariance :

0 t 1 , E [ B t | B 1 = 0 ] = 0 0 s < t 1 , C o v ( B s , B t | B 1 = 0 ) = s ( 1 t ) . {\displaystyle {\begin{array}{rl}\forall 0\leq t\leq 1,&\mathbb {E} [B_{t}|B_{1}=0]=0\\\forall 0\leq s<t\leq 1,&\mathrm {Cov} (B_{s},B_{t}|B_{1}=0)=s(1-t).\end{array}}}

Remarque : l'événement [ B 1 = 0 ] {\displaystyle [B_{1}=0]} est de probabilité nulle. Considérons alors l’événement { | B 1 | < ε } {\displaystyle \{|B_{1}|<\varepsilon \}} de probabilité non nulle. On peut ainsi considérer la loi conditionnelle P [   |   | B 1 | < ε ] {\displaystyle \mathbb {P} [\cdot \ |\ |B_{1}|<\varepsilon ]} du mouvement brownien sachant | B 1 | < ε {\displaystyle |B_{1}|<\varepsilon } . La convergence en loi suivante (propriété 12.3.2. du livre de R. Dudley[1]):

P [   |   | B 1 | < ε ] ε 0 P [ | | B 1 | = 0 ] {\displaystyle \mathbb {P} [\cdot \ |\ |B_{1}|<\varepsilon ]\quad {\underset {\varepsilon \rightarrow 0}{\longrightarrow }}\quad \mathbb {P} [\cdot ||B_{1}|=0]}

permet de donner un sens rigoureux à la définition du pont brownien.

Relations avec d'autres processus stochastiques

Relations avec le mouvement brownien

Propriété 1

Si ( W t , t 0 ) {\displaystyle (W_{t},t\geq 0)} est un processus de Wiener (ou mouvement brownien), alors le processus ( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} défini par B t = W t t W 1 {\displaystyle \displaystyle B_{t}=W_{t}-tW_{1}} est un pont brownien standard.

Réciproque

Si ( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} est un pont brownien standard et Z une variable aléatoire normale, alors les processus ( W t 1 , 0 t 1 ) {\displaystyle (W_{t}^{1},0\leq t\leq 1)} et ( W t 2 , 0 t T ) {\displaystyle (W_{t}^{2},0\leq t\leq T)} définis par :

0 t 1 , W t 1 = B t + t Z et 0 t T , W t 2 = B t T + t T Z {\displaystyle \forall 0\leq t\leq 1,\quad W_{t}^{1}=B_{t}+tZ\quad {\textrm {et}}\quad \forall 0\leq t\leq T,\quad W_{t}^{2}=B_{\frac {t}{T}}+{\frac {t}{T}}Z}

sont des processus de Wiener.

Propriété 2

Si ( W t , t 0 ) {\displaystyle (W_{t},t\geq 0)} est un processus de Wiener, alors le processus ( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} défini par B t = ( 1 t ) W t 1 t {\displaystyle B_{t}=(1-t)W_{\frac {t}{1-t}}} est un pont brownien standard.

Réciproque

Si ( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} est un pont brownien standard, alors le processus ( W t , t 0 ) {\displaystyle (W_{t},t\geq 0)} défini par W t = ( 1 + t ) B t 1 + t {\displaystyle W_{t}=(1+t)B_{\frac {t}{1+t}}} est un processus de Wiener.

Relations avec l'excursion brownienne

en haut : simulation d'un pont brownien standard (en utilisant la Propriété 1). Le changement de couleur correspond à l'emplacement du minimum.
en bas : simulation de l'excursion brownienne associée (en utilisant la Propriété 3).

Le pont brownien et l'excursion brownienne sont deux objets mathématiques différents mais l'un peut se construire à partir de l'autre[2].

Définissons la transformée de Verwaat V ( f , T , σ ) {\displaystyle V(f,T,\sigma )} d'une fonction continue f : [ 0 , T ] R {\displaystyle f:[0,T]\to \mathbb {R} } par

V ( f , T , σ ) ( t ) = { f ( σ + t ) f ( σ ) si 0 t T σ f ( σ + t T ) f ( σ ) si T σ t T . {\displaystyle V(f,T,\sigma )(t)=\left\lbrace {\begin{array}{ll}f(\sigma +t)-f(\sigma )&{\textrm {si}}\quad 0\leq t\leq T-\sigma \\f(\sigma +t-T)-f(\sigma )&{\textrm {si}}\quad T-\sigma \leq t\leq T.\end{array}}\right.}

Intuitivement, la trajectoire de V ( f , T , σ ) {\displaystyle V(f,T,\sigma )} est celle de f {\displaystyle f} sur [ 0 , T ] {\displaystyle [0,T]} mais coupée au temps σ {\displaystyle \sigma } et où les deux parties sont inversées.

Propriété 3

Supposons que ( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} désigne un pont brownien standard et ξ {\displaystyle \xi } le temps aléatoire (presque sûrement unique) où B {\displaystyle B} atteint son minimum. Alors le processus ( e ( t ) , 0 t 1 ) {\displaystyle (e(t),0\leq t\leq 1)} défini par e ( t ) = V ( B , 1 , ξ ) ( t ) {\displaystyle e(t)=V(B,1,\xi )(t)} a pour la loi celle de l'excursion normalisée du mouvement brownien. De plus ξ {\displaystyle \xi } est indépendante de e {\displaystyle e} et est de loi uniforme sur [ 0 , 1 ] {\displaystyle [0,1]} .

Intuitivement, l'excursion brownienne normalisée est construite à partir d'un pont brownien en le coupant en son minimum et en inversant les deux parties obtenues.

Réciproque

Supposons que ( e ( t ) , 0 t 1 ) {\displaystyle (e(t),0\leq t\leq 1)} désigne une excursion normalisée du mouvement brownien et η {\displaystyle \eta } une variable aléatoire indépendante de e {\displaystyle e} et de loi uniforme sur [ 0 , 1 ] {\displaystyle [0,1]} . Alors le processus ( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} défini par B t = V ( e , 1 , η ) ( t ) {\displaystyle B_{t}=V(e,1,\eta )(t)} a pour loi celle du pont brownien. De plus 1 η {\displaystyle 1-\eta } est l'unique temps en lequel B {\displaystyle B} atteint son minimum.

Expression sous forme de diffusion

Le pont brownien peut être exprimé comme un processus de diffusion. En effet, si W {\displaystyle W} est un mouvement brownien standard, la solution de l'équation différentielle stochastique :

d X t = d W t X t 1 t d t {\displaystyle dX_{t}=dW_{t}-{\frac {X_{t}}{1-t}}dt}

munie de la condition initiale X 0 = 0 {\displaystyle X_{0}=0} a la même loi que le pont brownien. Notamment, le processus X {\displaystyle X} est markovien, ce qui n'est pas clair à partir de la définition de X {\displaystyle X} comme mouvement brownien conditionné par sa valeur finale.

Relation avec le processus empirique

D'après le théorème de Donsker, si les variables ( X 1 , , X n ) {\displaystyle (X_{1},\ldots ,X_{n})} sont indépendantes identiquement distribuées de loi uniforme sur [ 0 , 1 ] {\displaystyle [0,1]} , le processus empirique

α n ( t ) = 1 n i = 1 n 1 { X i t } {\displaystyle \alpha _{n}(t)={\frac {1}{\sqrt {n}}}\sum _{i=1}^{n}\mathbf {1} _{\{X_{i}\leq t\}}}

converge en loi vers le pont brownien.

Propriétés

( B t , 0 t 1 ) {\displaystyle (B_{t},0\leq t\leq 1)} désigne un pont brownien standard.

Propriété 4 (temps d'atteinte)

Soit b {\displaystyle b} un nombre réel alors

P [ il existe  t [ 0 , 1 ]  tel que  B t = b ] = e 2 b 2 . {\displaystyle \mathbb {P} \left[{\hbox{il existe }}t\in [0,1]{\hbox{ tel que }}B_{t}=b\right]=e^{-2b^{2}}.}

Propriété 5 (loi du supremum)

Soit b {\displaystyle b} un nombre réel strictement positif alors

P [ sup t [ 0 , 1 ] | B t | b ] = 2 n 1 ( 1 ) n 1 e 2 n 2 b 2 . {\displaystyle \mathbb {P} \left[\sup _{t\in [0,1]}|B_{t}|\geq b\right]=2\sum _{n\geq 1}(-1)^{n-1}e^{-2n^{2}b^{2}}.}

C'est cette propriété qui est à l'origine du test de Kolmogorov-Smirnov.

Propriété 6

Soient a , b {\displaystyle a,b} deux nombres réels strictement positifs alors

P [ a < B t < b , 0 t 1 ] = m = + [ e 2 m 2 ( a + b ) 2 e 2 ( ( m + 1 ) a + m b ) 2 ] . {\displaystyle \mathbb {P} \left[-a<B_{t}<b\,,\forall 0\leq t\leq 1\right]=\sum _{m=-\infty }^{+\infty }\left[e^{-2m^{2}(a+b)^{2}}-e^{-2((m+1)a+mb)^{2}}\right].}

Propriété 7

Soit x {\displaystyle x} un nombre réel strictement positif alors

P [ sup t [ 0 , 1 ] B t inf t [ 0 , 1 ] B t x ] = 2 m 1 ( 4 m 2 x 2 1 ) e 2 m 2 x 2 . {\displaystyle \mathbb {P} \left[\sup _{t\in [0,1]}B_{t}-\inf _{t\in [0,1]}B_{t}\geq x\right]=2\sum _{m\geq 1}(4m^{2}x^{2}-1)e^{-2m^{2}x^{2}}.}

Généralisation

Il est possible de généraliser la définition du pont brownien pour que ce dernier soit indexé par des classes de fonctions. Soit F {\displaystyle {\mathcal {F}}} une classe de fonctions mesurables définies sur ( X , A ) {\displaystyle ({\mathcal {X}},{\mathcal {A}})} à valeurs réelles et X {\displaystyle X} une variable aléatoire de loi P = P X {\displaystyle P=\mathbb {P} ^{X}} définies sur un espace de probabilité ( Ω , T , P ) {\displaystyle (\Omega ,{\mathcal {T}},\mathbb {P} )} à valeurs dans ( X , A ) {\displaystyle ({\mathcal {X}},{\mathcal {A}})} . On note G {\displaystyle \mathbb {G} } le P {\displaystyle P} -pont brownien indexé par cette classe de fonctions, c'est-à-dire l'unique processus gaussien centrée dont la fonction de covariance est donnée par

f , g F , C o v ( G ( f ) , G ( g ) ) = E [ f ( X ) g ( X ) ] E [ f ( X ) ] E [ g ( X ) ] . {\displaystyle \forall f,g\in {\mathcal {F}},\qquad \mathrm {Cov} (\mathbb {G} (f),\mathbb {G} (g))=\mathbb {E} [f(X)g(X)]-\mathbb {E} [f(X)]\mathbb {E} [g(X)].}

Le pont brownien standard est donc le pont brownien indexé par la classe des fonctions indicatrices F = { x 1 { x t } : t R } . {\displaystyle {\mathcal {F}}=\{x\mapsto \mathbf {1} _{\{x\leq t\}}:t\in \mathbb {R} \}.}

Si le processus empirique indexé par une classe de fonctions F {\displaystyle {\mathcal {F}}} converge en loi vers le pont brownien indexé par cette même classe de fonctions, alors cette classe est appelée est une classe de Donsker.

Références

  1. (en) R.M. Dudley, Real Analysis and Probability, Cambridge University Press, (ISBN 0-511-02958-6)
  2. Philippe Biane, Relations entre pont et excursion du mouvement brownien réel, Annales Henri Poincaré, section B, tome 22, n°1 (1986), p. 1-7 http://archive.numdam.org/article/AIHPB_1986__22_1_1_0.pdf
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